Roumanie 1989 - 1990

TEMOIN DE DECEMBRE 1989

En 1989, je suis photographe à l’agence Sipa Press. L’époque est faste pour le photo-reportage.

Le 22 décembre, j’arrive en fin de matinée à l’agence ; c’est l’effervescence : Nicolae Ceaușescu vient d’être renversé. Rapidement quatre personnes sont choisies pour partir en Roumanie ; j’en fais partie. C’est l’effervescence, nous allons témoigner d’un événement historique, la chute du dictateur roumain.

L’avion que nous partageons avec FR3 atterrit vers 17h à Bucarest. L’aéroport est encore une passoire ; une demi-heure après il est fermé à tout trafic.

Nous arrivons dans la capitale roumaine ; il fait nuit. Le mouvement populaire s’amplifie, l’armée le réprime.

Les gens courent dans tous les sens, des tirs d’armes automatiques crépitent. Un de nos camarades de l’agence Sygma prendra une balle dans la jambe. À pied nous nous dirigeons vers la télévision où il n’y a plus personne, puis vers le palais de Ceaușescu. Une foule est massée place de la République devant l’édifice, des flammes s’échappent, la population essaie de pénétrer à l’intérieur, des tirs sporadiques la font reculer, finalement nous rentrons tous ensemble. La nuit est longue.

Un drame survient : le grand reporter Jean-Louis Calderon est accidentellement tué par un char.

Au petit matin, les tirs reprennent. Comme au spectacle, la foule regarde progresser les soldats ; ils courent, se jettent au sol, tirent des rafales et repartent. La paranoïa est extrême, on voit des espions de la Securitate (police politique) partout, des suspects sont arrêtés ou lynchés par la foule en délire.

Tout se déroule en direct sous nos yeux ; nous enchaînons les images, les pellicules défilent. Nous faisons de petits groupes, personne ne sait ce qu’il se passe, c’est dangereux.

Du palais partent quelques tirs auxquels ripostent les mitrailleuses de char et les kalaches des soldats.

Les jours suivants, la tension retombe. Pour le nouvel an, des intellectuels et hommes politiques viennent boire une coupe de champagne, puis repartent. Des vedettes se font photographier avec des enfants rachitiques dans les bras…

C’est la fin du régime de l’un des plus sinistres dictateurs du bloc soviétique.

José NICOLAS